Une feuille aux mille vertus.
Les plus anciennes feuilles découvertes -sur le site de Huaca Prieta au Pérou- datent de 2500 avant notre ère.
La coca était d’usage courant dans les sociétés précolombiennes, notamment comme analgésique utilisé lors des opérations de trépanation crânienne. Outre ses usages en médecine traditionnelle, elle joue encore à ce jour un rôle de premier plan dans les rites spirituels et religieux.
Le Cocaïer (erythroxylum) est un arbrisseau qui pousse à l’état sauvage. On le cultive dans 3 pays -Bolivie, Pérou, Colombie- sur les pentes orientales des Andes qui se dressent face aux bassin amazonien.
Le milieu de prédilection des cocaïers est le climat subtropical humide des vallées tièdes, dans une altitude comprise entre 500 et 1 800 m. En Bolivie, ce milieu optimal se situe dans les Yungas, les vallées du sud-ouest du département de La Paz.

La feuille de coca est l’un des végétaux les plus riches en phosphore, en fer et en vitamines A. Elle augmente l’énergie et tient éveillé. Mâchée, elle provoque une légère anesthésie des muqueuses de la bouche et de l’estomac, ainsi que la disparition temporaire de la sensation de fatigue, de faim et de froid. Elle ouvre aussi les voies respiratoires. Ces effets sont très efficaces pour combattre le soroche (mal de l’altitude). Elle aide aussi à prévenir les rhumatismes et stimule la circulation sanguine.
Sur les marchés d’Amérique du sud, les feuilles s’achètent au kilo.

Je garde le souvenir amusé de ces anciens à la santé de fer, Marcos, quechua péruvien ou encore Claudia, aymara des Yungas, chiquant ces petites feuilles séchées revigorantes. Selon les endroits, on les mélange avec différentes solutions calcaires afin d’activer leurs bienfaits et d’en atténuer l’amertume: coquillage, chaux ou encore cendre végétale de quinoa, avec ajout de stevia pour sa saveur sucrée.
Les études scientifiques ont prouvé que la coca n’était pas nocive pour la santé et que, bien au contraire, elle possède des alcaloïdes aux vertus nutritives, digestives, circulatoires et anesthésiques. Il en est tout autrement bien sûr quand on la fait macérer de longues heures dans des bains d’acides et de kérosène…
Coca et cocaïne ne sont pas synonymes!

La colonisation espagnole a contribué au maintien, à l’accroissement et à l’encadrement de la culture de coca, notamment en lien avec l’exploitation des mineurs. L’exportation vers les pays d’Amérique du nord et d’Europe commence dans la seconde moitié du XIX° siècle, à l’instigation des industries pharmaceutique et agro-alimentaire (pour la fabrication du Coca-Cola notamment)
La feuille de coca est l’ingrédient de base entrant dans la composition de la cocaïne. Sa valeur économique est décuplée par l’ajout de kérosène, acide chlorhydrique et sulfurique ainsi que d’autres produits chimiques et raffinements divers. Le marché de la cocaïne représente d’après les estimations 88 milliards de dollars par an.
La transformation en cocaïne apparaît au début du XX° siècle et devient une filière à caractère industriel à partir des années 1960.
Dans les années 80, le Pérou devient le plus grand producteur mondial de feuilles de coca destinées à la transformation en cocaïne. Le boom de la culture de l’«or vert» entraînera un exil de masse et la difficile reconversion des mineurs boliviens licenciés. La monoculture posera aussi le problème de l’appauvrissement des sols.
Depuis quelques années, la Colombie est devenue le 1er pays producteur, et c’est dans la jungle que se situent les plantations destinées non plus pour l’usage traditionnel mais pour le business de la drogue. Les trafiquants colombiens ont également favorisé l’accroissement de la superficie cultivée en coca au Pérou et en Bolivie.
Si les petits cultivateurs ne bénéficient que de 2% du chiffre d’affaire généré par le trafic de cocaïne, cette activité agricole est pour eux plus rémunératrice que l’agriculture vivrière et les cultures licites.
Officiellement, la superficie totale des plantations de coca est en constante baisse depuis 2000.
Les chiffres de l’office des Nations Unies contre la drogue et le crime sont directement influencés par les USA qui financent une politique d’éradication des cultures illicites. Face à la lutte accrue contre le trafic de drogues, les cultivateurs pratiquent des cultures mixtes pour ne pas être identifiés sur les clichés satellitaires.
Les plus hauts taux de prévalence de la consommation de cocaïne sont situés en Europe et aux USA.
L’emblème de la culture indigène.
Evo Morales, président bolivien et ancien syndiqué cocalero (producteur de coca) a rappelé combien il serait judicieux de ne pas diaboliser la plante comme peuvent le faire les politiques anti-drogue menées par le 1er consommateur de cocaïne au monde.
(cf: Convention de vienne réglementant le trafic de drogue interdit l’exportation de la feuille et des produits à base de coca).

Morales condamne le narcotrafic mais plaide pour la légalisation de la feuille de coca qui pourrait être exportée sous forme de tisanes par exemple.
Controverse et amnésie partielle…La feuille de coca n’est considérée comme une drogue que depuis 1961 et elle entrait au départ dans la composition du célèbre coca-cola américain avant d’être remplacée par de la noix de cola et davantage de caféine (la vraie recette restant toujours secrète)…
Toujours est-il que la CSUTCB (Confédération Syndicale Unique des Travailleurs Paysans de Bolivie) a fait de la feuille de coca le symbole fédérateur de la résistance nationale contre l’impérialisme américain.

- À visiter: le très complet Museo de la coca situé à La paz.
- Biblio: http://www.rfi.fr/ameriques/20150312-bolivie-journee-mastication-coca-gogo-evo-morales-onu