• Localisation: Santa Sofia, zone rurale au nord-est de Bogota, Colombie.
  • 1 semaine de volontariat.

 

Les initiateurs du projet Gaia sont 2 trentenaires de la capitale qui un beau jour en ont eu assez de vivre en ville.

Leur action s’inscrit dans le vaste mouvement de movida pour le repeuplement des campagnes qui existe aujourd’hui en Colombie.

Diplômés respectivement en photographie et publicité-communication, Tatiana et Betto ont travaillé quelques années “dans le circuit conventionnel” pour des magazines de modes, agences de pub…Partageant les mêmes sensibilités, ils se sont d’abord alliés pour créer une recyclerie sur Bogota, puis ils en sont arrivés à cette conclusion: pour prendre soin de la madre tierra, le mieux est encore de quitter l’urbain pour se réinstaller dans le campo. Ils ont donc choisi d’emprunter ensemble le long chemin vers l’autosuffisance et la souveraineté alimentaire.

Le gouvernement colombien ne se rend pas compte apparemment de ce mouvement sociale de la nouvelle génération.À l’heure actuelle, une vingtaine de communautés aoto-gérées sont recensées en Colombie. Il n’existe aucune loi pour réglementer ces éco-aldeas. Elles peuvent prendre différentes formes juridiques: associations, coopératives, fondations, propriétés en indivision. Sur les 10 hectares de Gaia, la propriété dite « horizontale » est divisée en 20 lots/unités familiales et chacun est propriétaire de 5%. Il est estimé que pour un végétarien, 200m2 permettent d’être autosuffisant.

Gaia est un lieu de vie pour ses deux fondateurs,mais aussi pour Béa et Sylvio. Le couple s’est installé dès les débuts du projet pour y monter son centre de permaculture. A côté de ces 4 membres permanents, le site compte 3 “membres aspirants” qui expérimentent un système de banque de temps: ils travaillent 7 ans pour devenir propriétaires d’un lopin. Gaia reçoit aussi des volontaires et la finalité du projet est de mettre en place une “école de la durabilité” basée sur l’apprentissage des techniques pour vivre en harmonie avec la terre au quotidien. Lors de mon séjour, j’ai participé à l’un des chantiers d’éco-construction qui visait à monter deux maisons.

 

Nous avons beaucoup échangé avec les habitants du lieu au sujet de ce mode de vie où il peut s’avérer difficile de dissocier ce qui relève de l’intime et du collectif. D’expérience, les membres de Gaia savent qu’il faut respecter un certain nombre de principes pour s’assurer une bonne convivence: auto-observation, communication non-violente et solidarité en sont les maîtres mots.

 

Entrevue avec le couple Béa et Silvio qui ont crée sur place leur centre de formation en permaculture.

  1. Quelques mots de présentation.

Béa:Je suis née à Bogota, au sein d’une famille urbaine traditionnelle. Je pourrais parler de connexion à la nature dans un contexte conservateur et très compromis avec l’accumulation de capital.

J’ai étudié la biologie avant de travailler jusqu’en 2000 pour différentes ONG et institutions gouvernementales. Après avoir suivi des formations courtes pour approfondir mes connaissances en permaculture, je me suis ensuite retirée du monde urbain pour me dédier à la vie alternative.

Aujourd’hui, je suis membre actif dans plusieurs organisations dont Casa Colombia, qui fait partie de Casa continental, réseau pour le développement « sostenible » (équivalent de durable) présent dans toute l’Amérique du Sud.

Sylvio: Je suis né à la campagne près de Medellin. J’ai lâché mes étudies en sciences politiques au bout de 6 mois  pour retourner aider mon père dans sa finca (ferme) de café. Déplacés par la guerilla, nous avons été contraints de retourner à Medellin. J’y ai travaillé pendant 10 ans dans l’immobilier. Ne supportant plus les violences, j’ai fini par considéré cette ville comme une prison. À ce moment là, j’étais prêt à me casser au Canada. C’est là que j’ai rencontré Béa et découvert la permaculture. Ma volonté de cultiver la terre a ressurgit, j’ai alors suivi des ateliers, me suis formé à l’université de la vie et voilà.

  1. Les étapes de la transformation.

Béa et Sylvio se rencontrent en 2000 au cours d’un événement crée par la communauté « Caravana arcoiris para la paz ». Chacun avait expérimenté auparavant différents projets d’ eco-aldea. ils savent qu’ils veulent monter un projet de vie différent, à la campagne.

Le couple décide de créer sa propre communauté près de Medellin: « Amandariz » (refuge de paix en sanskrit). 100m2 de polyculture intégrant plantes médicinales et aromatiques. Ils mettent en place des ateliers  de permaculture : graines germées, liqueurs de fruits, cuisine organique…Pendant 6 ans, ils accueillent des volontaires qui veulent sortir de la « grande Babylone ».

  1. Les difficultés rencontrées.

De ses différentes expériences, Béa relève que la majorité du temps, la difficulté de construire des accords et de les maintenir mène à la dissolution des communautés.

Communication non violente, respect de la différence, se mettre dans les baskets de l’autre, travailler pour faire évoluer sa conscience, s’ouvrir au dialogue, faire attention à ses paroles: « tout s’apprend mais le plus dur ce sont les interactions, c’est tout le défi à relever pour une bonne convivence »

  1. Les valeurs que vous souhaitez porter et transmettre dans votre projet.

Sylvio : La vrai convivence permet d’économiser pleins de choses (les dépenses en eau, en énergie) et d’être un exemple pour les autres. J’ai été marqué par la politique de Gandhi, Ahimsa, la non violence, le respect de la vie en sanskrit. Ça m’a permis d’appliquer dans ma vie quotidienne les formes de construire la paix.

Béa : La solidarité et la coopération. Dans ce processus, les seuls chemins effectifs sont ceux de la synergie et de l’auto-observation.

  1. Une vision du futur?

Sylvio: Rester au “campo”, profiter de cette pure sérénité et harmonie et mourir tranquille!

Je ne remercierai jamais assez l’univers, la vie qui m’a donné l’opportunité de ce parcours, qui m’a ouvert les portes de la connaissance de la permaculture et qu j’ai pu apprendre à manier!

Béa: Je perçois le futur comme une projection de mes rêves. Je suis sûre qu’on peut construire humainement un projet “sostenible” (durable) heureux, équitable et solidaire. Je suis convaincue qu’on peut y arriver parce qu’on est toujours plus nombreux!

Sylvio: Oui on peut rêver éveillés! Tout doucement, on peut y parvenir, si chacun y met du sien. L’humain va prendre conscience. J’ai de l’espoir pour mon pays car, malgré la violence, il y a aussi beaucoup de spiritualité.

À noter: Sylvio et Béa font partie des co-fondateurs de “l’appel de la montagne”,grand rassemblement annuel qui existe depuis 9ans. Il s’agit d’un espace de dialogue pour tisser le lien entre les communautés et les personnes impliquées dans un projet de transition durable. Pollinisation des idées et formation de ponts entre elles organisations et faire de nouveaux alliés sur le chemin.

75 visiteurs la 1è année, va crescendo, environ 400 personnes aujourd’hui qui viennent du monde entier. Prochain appel dans le putumayo entre janvier et février 2016.

Pour en savoir plus: https://llamadodelamontaña.org/

 

Sylvio et un volontaire pendant leur tour de cuisine.

 

 

Entrevue avec Betto, cofondateur du proyecto Gaia.

  1. Présentation.

Né à Santander, j’ai grandi à Bogota. Publiciste de formation professionnelle universitaire. Spécialisé dans le design graphisme et conception de campagnes publicitaires.

J’ai travaillé dans différentes agences de pub pendant plus de 5 ans. Ça me plaisait bien mais je m’interrogeais pas mal sur le sens de la vie…J’avais déjà cette idée de “cuidar a la tierra”- prendre soin de la terre-; j’ai commencé à faire de la pub sur des questions environnementales pour donner de la visibilité à des organisations indigènes de campesinos. Notamment un docu sur les kogis de la Sierra Nevada.

Le but était de les aider à commercialiser leurs produits. C’est à ce moment là que j’ai commencé à me rapprocher de Tati (Tatiana est la co-fondatrice du projet Gaia); Elle avait mis de côté son job de photographe de mode pour monter une fondation permettant d’adopter les chiens des rues.

On a d’abord impulsé un projet éducatif en faisant des performances de rue. Ensuite on a monté une recyclerie à Bogota, l’aventure a duré 2 ans, elle répondait bien à notre envie à tous les 2 de prendre soin de la nature depuis la ville.

J’ai crée un autre docu avec les gens du campo sur le thème de semences libres, on s’est bien impliqués avec “todos a tierra” (système de pétitions); on avait un tas d’idées comme monter un supermarché sans emballages

Mais tout ce que tu fais dans la ville, le simple fait de prendre le bus contamine. La concentration humaine fragilise la madre tierra…Au bout d’un moment, j’en suis arrivé à la conclusion que pour m’occuper de la terre, il fallait passer à l’étape supérieure et m’y installer.

Recherche de la durabilité pour résoudre le problème économique et humain, pour ne plus être une charge, j’ai pris le chemin vers l’autosuffisance. Je voulais diffuser des semences organiques.

Tout en travaillant avec les communautés, il y a 4 ans, nous avons commencé à chercher une terre dans la Sierra Nevada à 2000m d’altitude pour pouvoir bénéficier de l’incroyable diversité de l’écosystème puis on a finalement vécu 3 ans à Villa de Leyva, village pas loin de Bogota mais dont on ne dépendait plus désormais. Après 2 ans de recherche avec pas un sous en poche- mais un quartz pour la bonne énergie!-, on a enfin réussi à récupérer un bout de terre à Santa Sofia!

Un des principaux critères pour assurer notre souveraineté alimentaire: disposer d’une eau propre et libre, c’est-à-dire accessible.

On est dans un processus de transition, flexible, ouvert: on s’inspire des communautés indigènes en vivant au campo tout en gardant un espace privé pour chacun et aussi la connexion au net. Attention, on a l’électricité que depuis 2 mois ( pas plus mal sans, l’arrivée de l’électricité a changé le rythme). On tient à ne pas se radicaliser pour éviter le collapse.

On veut juste montrer qu’il est possible de vivre en harmonie.

Notre but: qu’il y ait dans chaque département un projet Gaia avec un jardin comestible.

  1. Les difficultés rencontrées.

J’ai changé de perspective et aujourd’hui pour moi tout problème est un apprentissage.

On a besoin d’argent pour construire, et aussi que des gens viennent et s’impliquent en prenant la charge d’un bout de terre.

Je dirais que la difficulté, c’est l’autorégulation pour éviter les conflits. Énergétiquement, c’est dur de maintenir l’harmonie d’un espace…Il faut trouver la vocation de chacun, pas seulement celle des amphitryons, créateurs du projet. Tati et moi avons fait beaucoup d’essais, exploré des mécanismes de convivence pour que personne ne soit une charge pour les autres.

Le défi pour atteindre l’autosuffisance,c’est de garder confiance.

On se réparti les tâches avec Tati selon nos spécialités: J’assure la partie administrative et communication ( page web, réseaux sociaux, flyers…). Tati est bien callée sur les ateliers jardin et l’écoconstruction.

3. Le futur.

Pour l’instant, on est dans un système d’échange avec les volontaires mais à terme on voudrait mettre  en place un projet d’école de la “sostenibilidad”, durabilité pour tous les gens qui n’ont pas de terre mais sont dans un processus de transition entre ville et campagne et veulent apprendre en faisant,par l’action

Le projet Gaia c’est aussi celui de “Bosque” (forêt) alimentaire, un modèle de “supervivencia” de l’espèce humaine.

Si par un processus éducatif, l’être humain ne revient pas à la terre, ce sera un « colapso » fatal.

La planète est circulaire, pas linéaire, tout peut arriver, je rêve d’une planète durable.

On a fait des marches, des manifestation…mais la démarche de sanacion – guérison- est individuelle, c’est pour ça que j’ai pris la décision d’agir.

Ce qui serait bien? Décupler le projet Gaia dans tout le pays!