•  Localisation: Ayacucho, Pérou
  • Visite d’un foyer d’accueil pour enfants également centre de formation technique.

«Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même.

On croit qu’on va faire un voyage mais c’est lui qui vous fait ou vous défait.»

Nicolas Bouvier.

 

Adios Lima! Route en lacets, bus de nuit qui s’éloigne doucement de la côte pacifique péruvienne. Prête à en découdre avec la fraîcheur de la cordillère des Andes, plus longue chaîne montagneuse du monde!

J’accompagne Lorenzo, un camarade liménéen déjà venu en France lors d’un échange interculturel organisé par Animetisse, association bretonne d’éducation populaire. Parallèlement à son travail de traducteur, Lorenzo va profiter de notre présence dans la province de Huamanga pour tenter de me mettre en contact avec une communauté quechua; Tenter je dis bien car on n’entre pas dans la vie des andins comme on débarquerait dans un magasin de souvenirs. Depuis la conquête espagnole, le sens de l’accueil des locaux a été mis à rude épreuve par d’innombrables passages de gringos pas toujours bien intentionnés… Lorenzo se porte donc «garant» de mon intégrité morale dans cet étrange triangle relationnel et nous restons une semaine en zone urbaine avant d’obtenir l’aval des représentants de la communauté pour partir à leur rencontre.

 

Mamitas tranquilles sur un banc de la place principale.

Élizabeth vient tous les jours vendre ses ampanadas.

 

Ayacucho, petite bourgade perchée à 2800 mètres au-dessus du niveau de la mer, je ressens les effets de l’altitude, surtout après 12 heures de bus qui grimpe, tourne sur des virages en épingle, regrimpe…On est loin désormais du rythme énervé de la capital mais un flux constant de passants aux tenues colorées bouillonne dans les rues du centre. Dans un premier temps je m’amuse à compter les clochers pour vérifier si le lieu mérite bien son appellation de ville aux 37 églises. Puis la langueur s’empare de moi, je me laisse alors inspirer par les mamies tranquillement assises sur la place principale et squatte mon bout de banc non sans un certain plaisir de ne rien faire de plus que regarder toute cette vie bouillonner autour de moi. Ce doux flottement de “peinarditude” ne saurait durer et assez vite, je m’anime pour entrer en connexion avec les gens du coin; Aussi je fonce quand Lorenzo m’invite à le suivre dans sa mission de traduction au sein d’une association locale appelée Wawa Kuna Mantaq. Il est chargé d’accompagner un couple de visiteurs allemands venus accorder une subvention à cette structure éducative créée pour venir en aide aux jeunes des quartiers populaires d’Ayacucho.

 

Une nation jeune.

Au Pérou , 42% de la population a moins de 18 ans et pourtant les dépenses publiques concernant l’éducation sont les plus basses de tout le continent. La crise économique, le chômage et la pauvreté ont généré une foule de problèmes sociaux, notamment celui du travail infantile. La région d’Ayacucho est l´une des 5 plus pauvres du pays. La majorité des enfants soutenus par la fondation Wawa Kuna Mantaq travaille -parfois dès l’âge de 5 ans- pour aider sa famille; Parmi eux, beaucoup sont aussi victimes de maltraitance et/ou d’abus sexuels…

La directrice de l’association nous embarque dans une visite détaillée du centre et nous rencontrons une cinquantaine de petits qui jouent et courent dans tous les sens, jonglant avec une énergie démente entre les activités dessin, chant ou encore préparation et vente d’une gélatine sur-sucrée rouge fluo qu’on retrouve dans toutes les «bonnes» boulangeries du pays (bonne entre guillemets, pas de baguette ni de croissant frais!).

 

Les femmes et les enfants d’abord.

Le travail de l’association s’articule autour de 2 programmes:

Le 1er, «CasaDeni» (abréviation de casa des niños, ie maison des enfants) est un système de maison ouverte destinée à accueillir des enfants en situation vulnérable de 6 à 18 ans. CasaDeni est un espace de référence pour le développement personnel et l’organisation scolaire ; l’attention est portée sur les problématiques socio-économiques des familles qui bénéficient d’un suivi personnalisé en fonction de leurs difficultés.

Le 2ème programme, « CetPro » (ie centre de formation technique) se concentre sur les jeunes adultes en situation de risque et a pour finalité l’insertion professionnelle. CetPro leur propose différents apprentissages en fonction de leurs aptitudes et aspirations: entre autres, boulangerie-pâtisserie, couture et secrétariat.

Le centre (mais aussi le reste du pays) compte de nombreuses filles-mères célibataires. Elles disposent d’une cellule de soutien matériel et socio-psychologique pour élever leurs petits dans les meilleures conditions et avoir le temps d’exercer une activité professionnelle. Nous rendrons visite à l’une d’entre elles qui après avoir suivi le programme couture de Cetpro a ouvert son propre atelier de confection textile en ville. Bel exemple de réussite…

Le personnel de Wawakunamantaq est essentiellement constitué de femmes, psychologues, professeurs ou assistantes sociales. J’assiste à une réunion où elles débattent avec la directrice de l’organisation, une femme vive, juste et directe qui coordonne les discussions d’une main de maître: les idées fusent dans une cohésion parfaite entre ces personnes qui s’investissent sans limite pour améliorer les perspective d’avenir de «la relève» d’Ayacucho. Ces 12 dernières années, le centre a accueilli près de 2400 bénéficiaires.

 

Spectacle de danse au centre Wawa Kuna.

On entend souvent parler de projets éducatifs «bidons» et de détournements de fonds dans les circuits associatifs…Mais pour que la critique soit constructive, n’oublions pas ce nombre inconsidérable d’acteurs qui s’investissent au quotidien pour l’épanouissement des nouvelles générations.

Éducation: Le fondement d’une société en bonne santé.

Laisser un gamin rêver, rire de tout, s’émerveiller d’un rien; Éveiller sa curiosité et lui laisser la possibilité de se révéler en valorisant ses talents…Un point de départ assez simple pour monter le plan de sauvetage d’une société sur le déclin. Cette société prise dans un malaise global, qui s’interdit de penser en poésie, qui n’encourage pas la jeunesse à trouver la sagesse tout en gardant son grain de folie…Garder son âme d’enfant, et si c’était ça le défi!

Les enfants, «wawa» en quechua, sont comme les jeunes pousses que le jardinier arrose soigneusement pour les voir grandir et donner de bons fruits à la prochaine récolte.

En observant ce joyeux petit monde s’agiter dans la cour du centre Wawa kuna mantaq, un quelque chose de bien vivant scande en mon for intérieur: l’imagination, le jeu, l’innocence au pouvoir!

Et un grand bravo à tous les projets solidaires à qui est attribuée la lourde tâche d’assurer notre avenir en matière de nourriture spirituelle!

 

Panneaux crées lors d’un atelier sur le droit des femmes et des enfants.