Sur la place principale du hameau de Pisac, un joli marché d’artisanat que je balaye du regard sans chercher à acquérir de jolis souvenirs autrement que dans ma tête, mon dos étant devenu une bascule précise qui tique désormais sur le moindre gramme supplémentaire…
J’ai rendez-vous avec Carlos, un contact établi grâce au réseau “couchsurfing”. Dès le 1er coup d’œil, je peux sentir l’authenticité qui émane de lui et l’échange qui va suivre ne fera que me conforter dans cette bonne vibration. Carlos et sa compagne ont fondé une école visant à promouvoir et même à réhabiliter la langue quechua. Tous les enseignements se font dans cette langue. Le nom de l’établissement: Kusikawsay, vie heureuse en Quechua…

Jusqu’ici, au travers de mes discussions avec des quechuas j’avais perçu l’évidente difficulté qu’ils avaient à faire perdurer leurs traditions, mais je croyais leur langue épargnée. Il y avait encore 10 millions de locuteurs à ce jour dans les différents pays andins et le Pérou, son pays originel, reconnaissait par ailleurs le Quechua comme langue officielle…
Carlos va droit au but et m’expose les ombres de la situation: les jeunes du moment sont la génération charnière, celle par laquelle le trésor du langage natif se perd. Mon interlocuteur se bat pour la survivance d’un trait fondamental de sa culture millénaire sans pour autant nier le caractère fonctionnel de l’espagnol. Il surfe sur l’idée de la double culture, celle qui permet de communiquer avec le plus grand nombre tout en restant fidèle à son identité profonde.
Nous nous quittons au terme d’une longue et foisonnante discussion. Que des croisements de pensées puissent être tout aussi éphémères qu’alchimiques me colle des frissons. C’est très puissant de savoir qu’on a des frères d’âme dans tous les recoins du monde. Sans me retourner – mais ensoleillée par cette rencontre si spéciale-, je poursuis mon chemin.
“Suerte tio, sigue la lucha, cuidate y que Dios te bendiga!”

Site web: http://kusikawsay.org/